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Rêve

Anne avait réussi à se faire embaucher dans la grande famille de l'entreprise Ergastolo(R). Bon certes, elle n'était qu'hôtesse d'accueil, et n'avait accès qu'à des parties précises du bâtiment, siège du grand patronat de la société, mais elle ne s'en plaignait pas. Au contraire. Anne était une fille douce et tranquille et elle aurait pu rester toujours dans cet état d'esprit si son deuxième prénom ne lui donnait une force de caractère et une curiosité à toute épreuve.

 

Et elle aurait pu continuer à accueillir les visiteurs à l'entrée, s'il n'était jamais passé. Il était grand, d'une carrure solide ; c'était tout ce qu'elle avait pu en dire. Il avait prit l'ascenseur une seule fois, et n'était jamais redescendu.

 

Alors, Anne s'était posé des questions : Qui était-il ? Quel était son nom ? Que pouvait-il bien faire ici et pourquoi n'était-il pas repassé par l'entrée ? Est-ce qu'il aimait les cheveux blonds et les yeux verts ? Les jupes courtes et les couchers de soleil ? Que faisait-il, chez lui ? Avait-il une petite amie ? Des enfants ? Habitait-il dans un appartement ou bien une maison ? Aimait-il le foot et le théâtre ?

 

Peu à peu, elle se sentait chavirer, s’abîmer car elle ne pensait plus qu'à cet inconnu qu'elle avait entraperçut et dont elle ignorait tout, jusqu'à son service d'affectation. Et en réfléchissant à ce détail, elle se souvint que son supérieur possédait tous les dossiers des employés de la maison. Elle ne pouvait tenter de lui demander, même poliment cette fiche-là, car elle avait bien compris qu'il avait un statut particulier, inaccessible honnêtement pour une hôtesse d'accueil comme elle.

 

Son deuxième prénom prit le dessus, et elle s'arrangea pour aller fouiller dans le bureau de son chef sans qu'il s'en aperçoive. Elle n'avait seulement pas mesuré l'ampleur de la tâche qui l'attendait. Anne, cependant, ne tînt pas compte de ce dernier détail et se mit à chercher. Personne, même pas elle, n'aurait pu dire combien de temps elle resta là, à vérifier le nom et la photo de chaque employé, passant méthodiquement d'un dossier à l'autre, sans se lasser ne s'énerver, mais avec le seul but de retrouver celui qu'elle considérait déjà comme l'homme de sa vie. Et après tous ses efforts, elle tomba enfin sur la photo qu'elle cherchait. Il s'appelait Alexandre ; il travaillait à l'étage du grand patron, là où les choses les plus secrètes se passent. Là où Anne n'aurait jamais accès. Cependant, elle ne se lassait pas de regarder son visage noir, ses lèvres élégantes, ses yeux tendres et sévère à la fois. Elle savait son nom, elle avait trouvé son visage, maintenant, elle voulait le rencontrer, le toucher, l'entendre. Sa vie n'avait plus qu'un but, et elle s'était juré de l'atteindre, même si elle devait pour cela franchir les barrières de la légalité.

 

Elle s'était glissée en douce dans l'ascenseur, en prenant soin de n'être vue. Puis, elle avait gravit les marches de l'escalier de service afin d'arriver là où se trouvait sa vie. Elle s'étonna tout de même du paysage ; les vitres étaient teintées, les lumières basses et les portes closes. On voyait juste le point rouge de l'alarme incendie clignoter, attendant un feu hypothétique. Elle se faufila dans l'ombre, et alors qu'elle passait un tournant, elle sentit une force brusque la saisir par les épaules.

 

- Qu'est-ce que tu fais là ?

 

C'était la première phrase de sa bouche, et malgré la pénombre, elle le reconnut tout de suite, celui pour qui elle risquait le chômage, celui à qui elle laissait son coeur en pâture.

 

- Tu n'as rien à faire ici ! Redescend !

 

Et elle ne savait que répondre, elle le regardait béatement, profitant de la chaleur que ses mains lui transmettaient.

 

- Mais réagit au moins !

 

Il lui prit la main, comme à une enfant, et la raccompagna rapidement vers les escaliers.

 

- Si tu t'étais fait prendre...

 

Et là, sans qu'elle comprenne ; lumière rouge, agitation ambiante, impression d'être observée et suivie. Anne entendit quelques mots se prononcer dans le lointain mais, déjà, elle ne se sentait plus elle-même, la réalité s'éloignait doucement mais sûrement. Elle ne savait plus ni qui elle était ni ce qu'elle faisait ici.

 

Elle en avait même oublié Alexandre.

 

 

 

Si on lui demandait de raconter cette période de sa vie, elle ne saurait que dire. Et les seuls mots, étranges, qui lui viendraient naturellement à l'esprit seraient "J'ai regardé la télé". Elle se souvient d'une salle de cinéma immense, et à l'écran encore plus immense, mais si on lui parle des films, une crainte vague, une peur inavouée s'affiche sur son visage et l'on prend peur pour elle, on change de sujet.

 

La seule chose qui la rassure, c'est Alexandre, car elle dit se souvenir de sa présence, qu'il la sauvait des monstres projetés. Et quand elle voulut s'enfuir, avec les autres spectateurs, il était encore là, homme fort et puissant. Elle se souvint que sortir ne fut pas aussi aisé qu'entrer. Et quand Alexandre reçut la balle, elle ne comprit pas tout de suite. Elle n'arrivait pas à croire qu'il était mort.

 

Elle retourna ciel et terre pour le faire revenir. Elle pria tous les dieux, paya tous les scientifiques, visita toutes les contrées, rencontra tous les vaudou, essaya toutes les méthodes physiques et psychiques, passa de raison à folie.

 

Passa de raison à folie.



21/05/2010
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