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La fille de l'air (6bis)

 

 

 

 

Quand elle ouvrit les yeux, Ara était au centre d'une pièce circulaire, assez grande. Tout était de pierre. Il y avait des portes, certaines de bois, d'autres blindées, comme pour retenir les créatures les plus féroces. Pas de fenêtres, pas de lumière. Ara était assise sur un fauteuil. Ses poignets étaient fermement attachés devant elle. Ses chevilles étaient collées au siège avec d'énormes sangles, comme ses épaules. Ainsi retenue, elle ne pouvait faire aucun mouvement. Elle se débattit un instant, en vain. Il lui fallut reconnaître qu'elle ne pouvait pas bouger. De grosses larmes coulèrent sur ses joues. Elle pleurait de rage de s'être fait avoir si bêtement, d'être maintenant privée de toute liberté pour la simple raison qu'elle était née.

Un homme entra tout d'un coup par une des portes en bois. Il était imposant, mais l'âge pointait sur ses cheveux. Il était fort, mais il était vieux. Le regard qu'Ara lui jeta lui glaça le sang.

-Pas la peine de me regarder comme ça, mademoiselle ! Et méfie-toi, même, c'est moi qui ai la manette qui permet ceci.

Et tout en parlant, il activa un mécanisme qui resserrèrent les liens autour des poignets d'Ara. Elle ne sentait plus ses mains. Mais son regard était toujours plein d'une haine si tenace que, la mort venant la chercher, elle l'aurait gardé jusqu'à son dernier souffle, et peut-être même au-delà.

-Vous m'avez l'air bien tenace... Tant mieux. Vous payerez votre évasion avant de mourir.

-Nous sommes donc bien rentrés... Je sais la distance que j'ai parcouru, mon père a du lâcher un petite fortune pour me retrouver... C'est bien lui qui vous envoie, n'est-ce pas ? Tuer sa propre fille, et c'est moi qui suis maudite...

-Aha, petite maligne, tu essaie d'obtenir des informations n'est-ce pas ? Et bien je ne t'en donnerai qu'une : tu ne mourras pas chez toi, nous ne sommes pas rentrés. Officiellement, la maudite est déjà morte, tu sais. Votre père ne peut pas se permettre de dire publiquement qu'il s'est trompé sur ce genre de choses... Alors en va en finir gentiment ici, et comme vous avez eu la bonne idée de fuir, on va faire croire que vous avez été attaquée par des brigands, comme une pauvre fille, et qu'ils vous ont tuée. Vous aurez quand même des funérailles nationales, estimez vous heureuse. C'est votre sœur qui aurait du recevoir ces honneurs, pas vous...

A chaque mot, Ara sentait une colère de plus en plus irrépressible monter en elle. Visiblement, cet homme n'avait pas été bien informé. Son père ne lui avait pas tout dit.

-Alors maintenant, la chose est simple. Vous devez mourir. Mais ce serait trop simple de juste mourir. Ce serait trop vite vous échapper. Je ne suis pas ce petit avorton qui vous a suivi jusqu'ici. J'irai au bout des choses, et je ferai en sorte que vous regrettiez ce que vous avez fait.

 -Quel rôle a-t-il joué dans tout ça ? susurra Ara entre ses dents.

-Qui ?

-Eni ! hurla-t-elle. Qui d'autre ?

Sa colère était à son comble. Elle ne pourrait pas se retenir bien longtemps. Mais avant, elle devant savoir.

-Ah lui ? C'est juste un idiot qui a parfaitement servi les plans de votre père. Il est arrivé un jour au château, et vous a demandé en mariage, comme ça, comme on demande une pomme à un marchand ! Tout le royaume savait que vous étiez partie. Lui aussi, il le savait. Il a soutenu qu'il voulait vous épouser. Alors, votre père a dit oui, s'il réussissait à vous ramener, en lui disant, les larmes aux yeux, qu'il voulait voir le mariage de sa fille préférée blablabla... Comme l'autre idiot ne savait pas que vous étiez maudite, comme tout le royaume d'ailleurs, il a accepté, et a juré de vous ramener, ou bien de faire tomber sa tête ! Sans vous avoir jamais vue, n'importe quoi ! Ya des gens, je vous jure... ils feraient tout pour obtenir les miettes des puissants... Mais pourquoi je vous raconte ça ?! C'est moi qui pose les questions ici, et vous qui répondez ! Qui sait, peut-être tu pourras vivre plus longtemps, en répondant correctement... ? Première question : as-tu forcé ta soeur à prendre ta place ?

-Non !

-Mauvaise réponse !

-Noon !

Ara n'en pouvait plus. Des sentiments contradictoires se mêlaient en elle, la solitude, l'abandon, la tristesse, mais celle qui dominaient toutes les autres était la colère. Elle avait cru Djou, le vieux, elle leur avait fait confiance ! et ils l'avaient trahie. Elle était partie parce qu'elle ne pouvait plus dormir, parce qu'elle ne pouvait pas mourir ! Le sacrifice de sa sœur, qui la hantait alors revenait devant ses yeux. Elle voyait son visage se retourner, son dos disparaître... Elle avait goûté le cadeau de cette mort, la liberté. Elle ne pouvait pas y renoncer.

-Et la seule personne dont je me méfiais...

Elle ne sentait plus rien. Elle ne voyait plus rien. Il n'y avait que sa colère. Ses poignets saignaient, et ses mains étaient mortes mais elle semblait ne pas s'en rendre compte. Le monde entier s'était moquée d'elle. Pourquoi un tel acharnement ? Ne pouvait-on pas la laisser vivre ? Il était donc inévitable que le monde entier la poursuive ? L'énergie qu'elle utilisait d'ordinaire pour courir dans les nuages s'amplifiait démesurément, à la mesure de ses sentiments. Elle ne pouvait plus la contrôler. Rapidement, ses chaînes ne la retinrent plus. Alors, Ara fit exploser sa colère.



08/06/2014
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