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Troisième Chronique



Coucou cher journal !

Décidément, j'ai vraiment beaucoup de chance de pouvoir t'écrire ! J'ai encore vécut quelque chose d'étrange. Bon, cette fois-ci, ce fut moins impressionnant que les autres fois, mais comme c'est aussi étrange, je tiens à te le raconter.
Tu sais, souvent, à l'auberge, on voit des gens qui ont besoin de repos. Comme le coin est plutôt calme et agréable, ce sont donc la plupart du temps des personnes ayant besoin de s'écarter de la ville pour se reposer à la campagne.
L'autre jour, donc, une jeune fille d'environ 16 ans -à première vue- avec des culs de bouteilles sur les yeux, comme on dit chez moi. Elle avait un sac qui semblait vraiment très lourd, et disait qu'elle souhaitait passer l'après-midi dans notre salon, là où l'on faisait patienter les clients qui dînaient avec nous le soir. Moyennant une petite rétribution pour mes parents, on lui prêta notre salle, avec la possibilité de commander quelque chose à boire ou à manger.
Comme tu le sais, je suis curieuse. Et cette fille-là, elle m'intéressait. D'abord, je l'ai observée de loin, pendant qu'elle négociait le prix pour l'après-midi avec mes parents. Elle avait semblé me voir, mais elle n'a fait que passer ses yeux dans ma directions, elle ne les pas arrêtés alors j'ai pensé qu'elle ne m'avait pas vue. Par la suite, j'ai découvert que son sac contenait des livres. Encore des livres, toujours des livres. Finalement, il n'y avait que des livres. Elle s'était assise devant la fenêtre qui donnait sur le marais, et sur le canal, et puis elle avait commencé à lire. Un livre, deux livres, trois livres. Elle lisait vite en plus ! A certains moments, elle s'arrêtait, elle levait la tête vers le canal, et souriait, comme si elle voyait une scène si belle et si émouvante qu'elle ne pouvait que se retenir avec tout son courage de pleurer.
Finalement, elle a dut finir par savoir que j'étais là, à l'espionner, car elle m'appela pour que je lui ouvre la fenêtre. Cette dernière était assez vieille -comme toute la maison- et la demoiselle avait eut l'air d'avoir remarqué qu'un mouvement de travers et elle cassait la vitre.
Faignant de passer là par hasard, je me suis approchée, et j'ai ouvert la fenêtre. C'est là qu'elle a commencé à discuter.
-C'est plus agréable comme cela. On sent le vent du dehors, maintenant, commença t-elle.
-Oui, c'est vrai qu'il est agréable. Pas trop chaud, pas trop froid, et sans le sel de la mer ! Lui répondis-je, dans un élan de sympathie, et puis aussi pour lui donner une bonne impression de moi.
-Dites, mademoiselle, est-ce que vous aimez les livres ?
A cette question, j'ai eu l'impression qu'elle parlait comme une dame de plus de quatre vingt ans qui s'adressait à une jeune.
-Hm... Pas vraiment, non...
Je tins à prendre un air désolée de fille qui aimerait lire plus afin de ne pas la vexer. J'avais remarqué que lorsque l'on aime pas quelque chose qu'un client aime, ce dernier se fâche, et alors, on perd souvent de bons clients comme ça. Autant tourner les phrases à notre avantage, si nous voulons continuer à gagner notre vie correctement. Mais la demoiselle ne sembla pas s'offusquer le moins du monde de ma réaction.
-Ah, je vois...
Et après cette réponse, elle se replongea dans sa lecture, mais avec une petite ride sur son front lisse et pâle, qui montrait bien qu'elle réfléchissait maintenant à quelque chose. Quelque chose de très sérieux, qui méritait toute son attention. Après quelques instants à tenter de lire, elle posa le livre sur la table qui se trouvait devant elle, fouilla son sac et sortit un autre livre.
Ce dernier l'occupa vraiment. Il prit toute son attention, et je dus revenir précipitamment fermer la fenêtre quand il se mit tout d'un coup à pleuvoir. La demoiselle avait déjà commencé à être mouillée, mais c'était comme si elle ne s'en était pas aperçue. Sa lecture semblait l'absorber de telle sorte que rien au monde ne pouvait la déranger. J'aurais pu jouer du  hard-rock juste à côté d'elle, elle n'aurait rien entendu.
Alors, je me pris d'une nouvelle passion : la regarder lire. Tour à tour, je la voyais esquisser un sourire, puis étouffer une larme, voir une vague d'espoir la traverser et ensuite une autre mais cette fois de désespoir. Je ne savais alors pas que les livres pouvaient donner de pareilles émotions. Je pensais qu'un livre n'était qu'un livre, qu'il racontait simplement une histoire, et que cette dernière servait parfois à quelque chose, mais je ne pensais pas qu'elle pouvait juste réveiller des émotions qu'on éprouvait rarement au quotidien.
J'ai du la regarder trop fixement, car la demoiselle fini tout de même par lever le nez de son livre, pour m'apercevoir. Elle ne dit rien, moi non plus. Et puis, après un long moment sans rien articuler, je demandais timidement :
-C'est quoi, comme livre...?
-Ça vous dirait de le lire ? Me répondit-elle derechef, comme si elle attendait ma question depuis tout à l'heure.
-Heu... Je ne pense pas que je réussisses à le finir d'ici la fin de 'l'après-midi...
-Et bien, dans ce cas, je vous le prête. Et je reviendrais plus tard pour le récupérer.
-Oh ! Je ne veux pas vous obliger à revenir...
-Ça ne me dérange pas. De toute façon, j'avais prévu de revenir. C'est vraiment charmant ici ! Pas un bruit inutile, pas une parole vaine... J'aime beaucoup le maris poitevin ! La personne qui m'a conseillé de venir ici n'avait pas tort. C'est vraiment très reposant !
A ces paroles, j'ai tout de suite pensé à la dame au miroir. Mais je ne voyais pas vraiment comment les deux dames pouvaient donc se connaître. Alors, je n'ai rien dit, et je me suis contentée d'accepter le livre que la demoiselle me tendait avec un sourire.
Après cela, elle a ramassé tous ses livres, elle a payé mes parents en disant qu'elle reviendrait le mois prochain, et demanderais le même genre de service. Mes parents, trop heureux de se faire une nouvelle cliente régulière acceptèrent avec grande joie. Moi, j'étais trop occupée à observer la couverture du livre qu'on venait de me prêter pour m'occuper d'eux.
C'était une couverture assez grande, le livre devait être imprimé en gros caractères. Dessus, il y avait le portrait d'une jeune fille ; cheveux longs, elle pleurait à chaudes larmes. Le cadrage était fait de sorte qu'on ne voyait que son visage. Le décor derrière n'était pas suffisamment visible pour dire que la jeune fille se trouvait dans tel ou tel endroit.
J'étais sûre que la couverture était comme ça ! Sûre et certaine !! Je te l'assure, crois-moi ! Il y avait une jeune fille qui pleurait, d'une façon très belle d'ailleurs, et qui donnait aussi envie de pleurer avec elle.
J'étais donc certaine de ce détail, certaine ! Et avec une certain appréhension, j'ai commencé le livre le soir même.
Ah ! Et puis, autre chose. Le titre était, et ça aussi j'en suis sûre, "Le dernier espoir". Je ne me souviens plus du nom de l'auteur, mais je suis certaine du titre. D'ailleurs, j'ai trouvé ça très triste, de voir une jeune fille pleurer sur la couverture d'un livre qui portait le titre de "Dernier espoir". J'ai commençé à pleurer sans avoir lu une seule page du livre. Ma mère trouva ça étrange, mais en voyant le livre, elle a dut se dire que je l'avais lu et qu'il était triste. Après m'avoir questionnée sur la provenance de ce livre -objet que je n'achetais jamais d'habitude- elle me laissa tranquille pour la soirée, alors que je devais aider à passer un coup d'aspirateur dans la salle. J'avais donc mon début de soirée libéré, et j'en profitais pour commencer le livre à la place même où la demoiselle avait lu, durant l'après-midi. J'ai beaucoup gêné ma mère, parce qu'il fallait qu'elle déplace le fauteuil sur lequel j'étais assise, mais en me voyant plongée dans ma lecture, elle s'est dit que pour une fois, si elle ne passait pas tout de suite, ce n'était pas si grave. Et je la remercie de cette indulgence.
La lecture me prit tout de suite. Je n'entendis pas l'aspirateur de ma mère, qui passait pourtant tout près de moi, et y restait un certain temps -et même un temps certain. Je n'entendis pas non plus l'appel du dîner. Trop heureux de me voir lire, mes parents n'insistèrent pas.
Et heureusement, l'histoire que j'étais en train de lire était tour à tour drôle, triste, pleine d'espoir puis de désespoir. A chaque fois, je riais aux éclats, je pleurais à chaudes larmes, j'étais pleine d'espoir ou de désespoir. Et ça devait se voir, car à se que m'ont dit mes parents, j'étais assez bruyante, et j'avais gêné plusieurs clients. Et alors que ma mère était venue pour me demander de faire moins de bruit parce qu'il se faisait tard, j'ai quitté brutalement ma lecture et l'ai regardé. Je l'ai regardé avec l'air de quelqu'un qui espère quelque chose. Quelque chose comme la question "C'est quoi, comme livre...?" Un espoir secret de faire partager ma lecture pour continuer à faire vivre l'héroïne de l'histoire s'emparait de moi. Au lieu de ça, ma mère me dit de faire un peu moins de bruit, parce qu'il était plus de minuit, et que les clients voulaient dormir. J'avais commencé ma lecture à 19h. Jamais je n'avais lu aussi longtemps sans m'arrêter. J'avais presque fini, mais c'était comme si je ne pouvais plus revenir dans l'histoire ce soir-là. Alors, j'ai laissé le livre sur le bord de la fenêtre, et je suis allée me coucher.
Le lendemain, le livre était toujours là, et je suis allée le ranger sur mon bord de fenêtre cette fois, pour qu'il ne gêne personne dans la journée. Je n'avais pas le temps de le finir, j'avais cours. Mais je m'étais jurée de reprendre ma lecture le soir venu. Et j'ai tenu parole.
Et là, pareille que la veille. J'étais heureuse, triste, pleine d'espoir ou au bord du suicide. Et exactement comme la veille, je n'étais réceptive à rien, sauf au moment où j'ai vu que je devais quitter la lecture, et bruyante comme pas possible. Cette nuit-là, plusieurs clients partirent, à cause de moi.
Et le pire, c'était que la lecture du livre n'avançait absolument pas ! Je pataugeais, avançait péniblement. Mais je m'en moquait un peu de ça. C'était pour moi un réel plaisir de lire ce livre. L'histoire me prenait, et ne me lâchait plus. Je vivais en même temps que l'héroïne, j'étais elle, je comprenais toutes ses émotions, et je les vivais avec elle. Peut-être que si je faisais autant de bruit, c'était parce que j'en faisais pour deux.
J'ai mis un temps fou à lire ce livre. A la fin, pour ne déranger personne, j'allais près de la lisière de la forêt "libre" et je lisais là. Je pouvais faire tout le bruit que je voulais, je dérangeais seulement les vaches du pré voisin.
J'ai lu un peu tous les jours. Dès fois longtemps, parfois cinq minutes. Mais je l'ai fini. La fin, d'ailleurs, était très triste. L'héroïne s'est suicidée. Son dernier espoir était peut-être mort, finalement.
Et je l'ai fini la veille du jour où la demoiselle devait revenir. Comme si cette dernière savait que le temps que j'allais mettre à le lire, elle m'avait laissé le temps idéal pour pouvoir lire tout en prenant mon temps. Et puis, le livre aussi m'avait aidée à lire ce qu'il fallait lire. Ni plus, ni moins.
Et là, quand j'ai voulut rendre le livre à la demoiselle, je ne le trouvais plus. J'ai retourné toute ma chambre, mais je ne le trouvais plus. A ma grande surprise, la demoiselle est montée pour m'aider à chercher, et elle l'a trouvé. Le problème, c'était que la couverture et le titre ne correspondaient pas avec ce que j'avais vu au premier abord.
Cette fois, la demoiselle avait les cheveux courts, et on la voyait debout, dans un coucher de soleil. Presque de profil, on ne voyais pas ses yeux, mais le sourire qui s'esquissait sur ses joues était bien visible. Et puis le titre avait changé. Il y avait juste écrit "Espoir" à présent.
-Non, vous devez vous tromper. Ce n'est pas ce livre-là. Je me souviens très bien de la jeune fille qui pleure sur la couverture ! Cette jeune fille-là ne pleure pas, et le titre n'est pas le même !
-Vous savez, jeune demoiselle, que certains livres influencent leurs lecteurs.
-Oui..
-Et bien ce livre-là est influencé par son lecteur. Lisez plutôt.
Et ce disant, elle me tendit le livre, ouvert à la dernière page. Je la relisais, et voyait que le texte avait changé. L'héroïne vivait.
La demoiselle ma laissa-là, plantée de stupéfaction dans ma chambre, et a disparut comme elle était venue. Elle a effectivement passé l'après-midi dans le salon, à lire ses livres. Mais je n'ai plus la curiosité d'aller la voir. Maintenant, c'est mon père qui lui ouvre la fenêtre.

Et puis, à chaque fois que je passe près d'elle, elle s'arrête de lire et me regarde avec un sourire de reconnaissance. Comme si j'avais moi-même sauvé l'héroïne de l'histoire.
En y repensant, elles se ressemblaient beaucoup, l'héroïne et la demoiselle...



15/07/2009
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