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La fille de l'air (1)

La fille de l'air ! En chair et en os ! Et la version relue, qui plus est !

 

 

 

 

 

 

Elle aimait courir. C'était un passe-temps qui l'absorbait. Courir, comme ça, pour rien, pour le plaisir. Laisser aller à l'air libre ses frustrations, laisser souffrir ses poumons, plutôt que de perdre son temps à réfléchir sur des problèmes qui n'ont pas de solution, aller quelque part sans se poser de questions, suivre le chemin tracé par le vide et être sûre d'y arriver. C'est aussi ça qu'elle aimait. Elle ne rencontrait aucun obstacle : ni murs, ni adultes embarrassants. Elle aimait courir, elle aimait courir dans les airs.

Ara ne savait pas voler, elle savait marcher en dessus du sol. Elle n'avait ni ailes ni poudre de fées, elle allait dans le ciel et posait ses pieds dans le vide, tout simplement. Au début, l'un après l'autre, lentement, et de plus en plus vite. Elle sentait le vent glisser sur ses pieds, comme une caresse, alors elle voulait glisser avec lui, et ne pouvait jamais s'empêcher de courir.

 

Les gens du dessous se posaient beaucoup de questions. De l'endroit d'où ils regardaient, ils ne voyaient que des pieds, des plantes de pieds qui du sol ressemblaient à des tâches noires qui se déplaçaient mystérieusement. Certains disaient que c'était un oiseau, d'autres que c'était le mauvais œil qui envoyait des créatures maléfiques pour les menacer. D'autres encore disaient que c'était l'ange gardien de la ville qui veillait sur eux. Ara, elle, préférait que sa passion reste son petit secret. Quand elle était fatiguée de courir, elle revenait sur terre discrètement près de la ville au-dessus de laquelle elle courait, rentrait en catimini et menait sa petite vie. En ville, on la croyait orpheline, travaillant pour gagner sa vie. Elle avait quinze ans, elle travaillait quand on l'embauchait, elle se couchait tôt et quand elle avait le temps, elle courrait dans les nuages. Lorsqu'elle revenait en ville après avoir couru, elle aimait aller manger des nouilles, dans ce restaurant étranger. Elle se mettait au bar et se sentait protégée de toutes les questions des badauds ; les sièges étaient hauts, il y avait de petits rideaux pour séparer le bar de la rue : on ne voyait plus que ses pieds sur les barreaux des tabourets. Ces mêmes pieds qui couraient au-dessus des toits.

Cette vie allait bien à Ara. Elle courait, elle mangeait, elle travaillait, elle dormait. C'était un cycle simple et pur. Elle savait donc parfaitement qu'il était fragile et précaire.

De sa passion, comme de cette étrange capacité à courir dans les airs, personne ne savait rien. Ara avait peu d'amis. Si elle voulait manger tous les jours à sa fin, elle devait travailler dur et elle avait rarement le temps de sortir pour faire connaissance. Enfin, c'est ce qu'elle disait, car elle redoutait toujours de faire une confidence un peu trop vite ; une confidence qu'elle regretterait toute sa vie. Les gens l'aimaient bien dans la ville, parce qu'elle faisait toujours ce qu'on lui disait de faire sans jamais rechigner. Elle était docile, discrète, travailleuse et c'était pour ça qu'on ne lui posait pas plus de questions.

Un jour, pendant qu'elle courait, il se passa ce qu'Ara pensait qu'il ne se passerait jamais. Dans les airs, alors qu'elle sortait d'un nuage, elle se trouva face à face avec quelqu'un. Elle n'eut pas besoin de réfléchir très longtemps : l'élan de sa course lui permit de glisser près de l'inconnu avant qu'il ne la voit trop précisément et elle put faire un bref et net plongeon vers la terre ferme. Elle ne voulait pas savoir qui il était, elle ne voulait pas qu'il la voit. Elle-même ne l'avait pas bien vu, mais elle savait que c'était un homme. De toute façon, s'il allait en ville maintenant, il était impossible qu'il la trouve, la ville était trop grande et il ne l'avait pas assez bien vu. Depuis cette rencontre, Ara se cherchait toutes les excuses du monde pour se dire qu'il ne l'avait pas vue. Le soir même, elle tremblait dans son lit : elle ne voulait surtout pas qu'il s'occupe de ses affaires.

Ara voulait en douter du fait que ce soit le même homme, mais peu de temps après, un étranger fit son apparition en ville. Il la parcourait de long en large et cherchait quelqu'un, quelqu'un qu'il n'avait pas l'air de trouver. Il s'obstinait pourtant, il faisait méthodiquement tous les magasins, toutes les maisons de tous les quartiers de la vile, demandant à chaque passant s'il n'avait pas vu une jeune fille d'une quinzaine d'années à l'allure royale, car c'était bien la fille du roi qu'il cherchait. Un jour, il finit par venir s'accouder au bar où Ara mangeait ses nouilles. L'inconnu interrogea le barman.

-Vous ne la connaissez pas ?

-Qui est-ce ?

-Une princesse que son père cherche à ramener chez elle.

-Non, jamais vue.

-Il la cherche car il a trouvé à la marier.

Ara était juste à côté. Elle ne put pas s'empêcher d'intervenir.

-En même temps, rentrer pour un mariage arrangé, qui est-ce que ça tenterait ?

L'étranger leva les yeux sur elle. Ara était habillée avec ce qu'elle avait réussi à se payer ; elle portait une jupe courte, épaisse et noire, avec un gilet de laine. Ses cheveux blonds, qui lui faisaient un casque sur la tête, étaient encore emmêlés : il y avait du vent aujourd'hui et le vent souffle plus fort dans les nuages. Comme elle ne pouvait pas renoncer à courir, elle courrait juste dans les nuages, au cas où cet étranger chercherait aussi cette fille dans les airs.

-Alors à sa place, vous ne rentreriez pas ?

-Pour épouser un inconnu, choisi par un père que cette fille a l'air d'avoir envie d'éviter, vu qu'elle s'est tirée... Ça paraît plutôt logique, non ?

-Comment savez-vous qu'elle est partie ?

-Parce que vous la cherchez... Bon, ça suffit. Je vous laisse, j'ai du travail.

Ara partait, et elle était déjà sortie dans la rue, quand l'inconnu la rattrapa en l’agrippant par le bras.

-Ne me prenez pas pour un idiot, je vous ai vue dans les nuages.



20/02/2014
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