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Il marchait.

Histoire durant le contrôle de maths... Ne faites pas comme moi ! C'est pas bon pour les notes ce genre de chose ! ^_^"
PS : Si quelqu'un arrive à me replacer cette image dans son contexte, je mange mon chapeau.



Il marchait. Toujours, il marchait toujours. Cet homme-là avait un sacrée réputation dans le Japon d'Edo où nous vivions. Beaucoup d'aubergistes -comme ma famille- le voyait passer. Où qu'il aille, il finissait toujours par passer devant chez nous. Il prenait ce que nous avions de moins cher avec un verre d'eau, mangeait, buvait, et repartait. Tel semblait être son destin. Il parlait juste pour commander. Pas un autre mot ne sortait de sa bouche. Alors que les ronins de passage nous contait leurs exploits pendant des heures, lui restait seul à sa table, juste le temps de faire ce qu'il devait faire. Il devait même être meilleur client qu'eux. Il payait toujours ce qu'il prenait, et ne causait aucun dégât, tandis que les samouraï sans maîtres nous obligeaient à vendre leurs sabres pour payer les notes impressionnantes de saké qu'ils avaient contracté avant d'aller faire du tapage partout où ils passaient.
Son physique n'avait rien d'extraordinaire. Les jambes maigres, le kimono court et sale, aucune fille ne s'approchait de lui. On ne voyait jamais son visage, car il était toujours caché sous un chapeau de paille. Je savais juste qu'il était brun. Comment ? Eh bien, parce que chez moi, les gens sont superstitieux : " Cet homme-là, disent-il, il n'est pas humain à marcher tout le temps, comme ça ! Va le servir, toi, Asahi ! " Tant et si bien, qu'à chaque fois qu'il venait, c'était moi qui le servait. A la fin, voyant qu'il n'aimait pas parler, je lui épargnais cette besogne, et lui demandais : " Comme d'habitude ? " et il me répondait par un hochement de tête silencieux. C'était une sorte de code entre nous. Parfois, lorsque nous changions certains prix de nos produits, il arrivait qu'il ne connaisse pas ce que je lui servais. Dans ces cas-là, il restait longtemps à fixer la nourriture, sans la manger, jusqu'à ce que je vienne lui expliquer. En quelque sorte, nous étions devenus amis. J'étais la seule à l'approcher dans les environs, et, malgré les auberges de meilleure qualité aux alentours, il venait toujours me voir, et mangeait toujours chez nous.

Je marchais. Toujours. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, je marchais. Je ne pouvais m'arrêter. C'était comme ça, sans explication. J'allais -à pied- d'un bout à l'autre du Japon.
Sans m'en rendre réellement compte, je tombais toujours sur cette auberge près d'Edo. Elle n'était pas très chère, et là, il y avait au moins une fille qui acceptait de me servir. J'avais très mauvaise réputation, les gens étaient superstitieux, et je crois que c'était la seule à vouloir m'approcher, et à m'adresser la parole. Je n'étais pas très bavard. A vrai dire, j'étais plus à l'aise dans mon coin qu'à parler pendant des heures à des gens qui finissent par vous trouver saoulant, parce qu'ils savent que vous parlez pour ne pas payer.
Cette fille-là était d'ailleurs plutôt ordinaire, je ne l'avais pas très observée, parce que je gardais mon chapeau sur ma tête, mais je savais qu'elle était de taille moyenne, avec un kimono de pauvre, comme les autres femmes de sa région. Je savais aussi son prénom ; Asahi, parce que sa mère le criait souvent depuis les cuisines. Les vieilles getas qu'elle avait montraient bien qu'elles n'avaient pas servies qu'à elle ; on devait se les passer dans la famille. A voir ses mains, on savait qu'elle travaillait dur, et sa voix fatiguée montrait qu'elle manquait de sommeil. J'imaginais ses traits ridés et son vieux visage. Je lui donnais au moins trente ans, une vieille femme qui n'a plus rien à perdre. Mais je me trompais. Et bizarrement, elle m'intéressait quand même.

Ce fut le jour de mes seize ans. Ce jour-là était spécial pour moi. J'étais une femme maintenant, digne d'être mariée. Le problème, c'était que je ne m'intéressait qu'à un seul homme : celui qui marchait tout le temps. Ma mère m'avait bien dit qu'elle me ferait un mariage d'argent, qu'il fallait qu'elle trouve un mari riche. Je ne voulais pas la contrarier, alors je ne disais rien. Je ne me plaignais pas. Et puis après tout, cet homme qui se promenait, il devait être âgé ! Au moins trente ans ! Enfin, c'était l'âge que je lui donnais, étant donné que je n'avais jamais vu son visage. Mais ce n'était pas ça qui éveillait ma curiosité à son propos. Pourquoi marchait-il comme ça ? Voulait-il échapper à quelqu'un ? Etait-il l'ennemi numéro un du pays à abattre ? Toute sorte de scénario me venait à l'esprit, le soir, avant de m'endormir, et chacune d'elle me faisait rire. Plus je réfléchissais, et plus mes théories étaient ridicules. A la fin, je pensais qu'il tentait de retrouver le kappa qui l'avait un jour poussé dans la rivière. Quelle poursuite ridicule ! Et puis l'argent qu'il trouvait pour se nourrir, d'où venait-il ? En pensant à ça, mes premiers soupçons revenait et je me disais qu'il devait avoir pillé le shogun et qu'il tentait de lui échapper à présent. Mais c'était étrange tout de même, parce qu'il n'était pas très discret pour un homme qui voulait échapper au shogun.
Et c'est en réfléchissant ainsi que je passais mes journées. La plupart du temps, il n'y avait que des ivrognes qui ne payaient pas leur note ou des paysans sans le sou qui passaient chez nous. Le voir changeait quelque peu mes habitudes ; j'étais toujours heureuse de le voir arriver. Et un peu triste de le voir partir. Mais quelque chose au fond de moi me disait qu'il allait revenir, et il revenait, effectivement.

Je ne pouvais m'empêcher de revenir. Parfois, l'auberge n'était absolument pas sur mon chemin, mais j'y allait quand même. J'étais comme attiré, hypnotisé. Le prix n'était maintenant plus une excuse pour m'y arrêter. Je sentais qu'il fallait que je passe par-là. C'était comme si je serai punis si jamais je n'y passais pas. Un peu comme la marche. A chaque fois que je m'arrêtais, je me sentait terriblement mal. Et chaque fois que je ne pouvais pas passer par cette auberge, j'avais le cœur si lourd qu'il fallait que je finisse par faire un détour pour y aller, alors que j'étais pressé.
Et lorsque je passais au milieu de la nuit, pour manger, elle m'attendait là. J'entrais, et laissait glisser de l'air frais sur une petite clochette accrochée de manière à ce que tout client se fasse entendre, tout en changeant l'odeur de l'auberge enfermée par la nuit. Et elle se levait, comme si elle sortait des cuisines, de jour. Je m'en voulais quelques fois de la réveiller aussi tard dans la nuit, mais son sourire ne m'adressait aucun reproche. Au contraire, elle semblait heureuse de me voir. Il était vrai que moi aussi, ça me remontait aussi le moral de voir cette femme-là, bien qu'on n'appartienne pas au même monde. Je n'avais toujours pas vu son visage, mais ses attentions, son calme et son air joyeux, toujours joyeux, faisait qu'un lien invisible nous liaient. Je ne pouvais encore le nommer, car je pensais toujours qu'elle avait la trentaine, ce qui est assez vieux pour notre époque. Ces femmes-là étaient toujours mariées et avaient des enfants. Généralement, comme elles travaillent dans la misère, elles tentent de trouver un amant riche en étant aimable, tant et si bien que ce genre de pensée troublait mon esprit et m'empêchait de me dire que je l'aimais. Ni que je pourrais un jour penser que je l'aimais.


Comment penser aimer quelqu'un comme lui ? A le voir marcher aussi longtemps, il devait sûrement être vieux, mais j'avais déjà réfléchit à son sujet. Je savais maintenant avec qui j'allais me marier, un fils de paysans, assez aisé, mais dont on disait qu'il aimait jouer.  Ca ne me rassurait pas tellement, sachant que si j'étais sa femme, et qu'il devait payer des dettes, je serais obliger d'aller me vendre au bordel pour tout payer. Vendre mon corps était quelque chose qui me répugnait, et je plaignais les pauvres femmes qui étaient forcées de le faire. Mais comme disaient mes parents " Il faut bien faire du commerce ". Alors, j'attendais, en priant pour qu'il ne soit pas trop mauvais mari. Je le voyais venir de temps en temps à l'auberge. Il m'avait déjà offert un joli kimono, avec des fleurs de cerisiers. Tout le monde pensait qu'il s'était déplacé jusqu'à Edo pour le trouver. Rien qu'à ça, je commençais à penser que je serai sûrement plus heureuse avec lui qu'avec un homme qui ne fait que marcher, et qui laisse les gens dire de méchantes choses à son propos. Je continuais jusqu'à la date du mariage -fixée au mois de Juin- de servir dans l'auberge de mes parents, qui marchait beaucoup mieux depuis qu'on savait qu'on allait me marier, mais aussi pour voir mon kimono. Je le gardais pourtant secrètement caché dans ma chambre, mais ma mère ayant découvert la cachette, le sortait plusieurs fois par jours pour le montrer. Je ne trouvais pas sa conduite très prudente, un client en manque d'argent pouvait venir le voler et tous nous tuer pendant la nuit. Cependant, ça n'arrivait pas, et ma mère continuait à se vanter du choix du mari pour sa fille.

J'avais entendu parler de son mariage. N'avait-elle donc pas trente ans ? On ne marie plus les femmes de trente ans, un mariage arrangé devait avoir été organisé depuis bien longtemps. Elle devait donc forcément être plus jeune. Voilà où j'en étais arrivé, le jour prévu de la date de son mariage. Ce jour-là, toute la ville avait stoppé ses activités pour participer aux réjouissances.
C'était une magnifique journée de Juin. Le soleil brillait, les cigales chantaient à bâtons rompus, et j'avais soif. Mon chapeau me protégeait bien du soleil, mais pas de la soif. Je cherchais donc encore une auberge d'ouverte. Aucune dans les parages. En avançant dans la ville, je me suis rendu compte que tout le village semblait mort. Je n'avais croisé personne.
Et plus je me promenait à travers les rues, plus il me semblait qu'ils avaient tous désertés. Mais un grand cri de joie venu d'un peu plus loin, sûrement à l'emplacement d'un temple, m'apprit où étaient passés tous les habitants de la ville morte. Piqué de curiosité, je m'approchais.
Toute vêtue de blanc, la taille serrée par son kimono, la petite servante était près de l'autel. Tout le monde regardait la cérémonie en silence, certaines femmes avaient les larmes aux yeux. Moi, comme ça ne m'intéressait plus vraiment, je me suis éloigné.
Et là, ce fut magique, arrivé en haut d'une colline où était planté un magnifique cerisier encore en fleur -malgré la saison qui n'y prêtait absolument pas-, je me suis arrêté. Je n'avais plus envie de marcher. C'était comme si j'avais atteins mon but. Alors, comme je n'avais rien d'autre à faire, et que je ne voulais pas rentrer à la maison, je me suis assis, juste devant l'arbre, à distance respectueuse, pour pouvoir mieux l'admirer.

Je l'avais vu venir. Alors que j'étais devant l'autel, prête à faire tous les serments faisant les bases d'un bon mariage, je le vis. L'espace d'un instant, je me suis demandé pourquoi j'aurais bougé. Pourtant, le voir partir au bout de quelques instants me fendit le cœur. Mon corps réagit sans que je lui ai demandé quoique ce soit. J'ai courut à sa poursuite, derrière son chapeau. J'eus du mal à le rattraper, et toutes les convives choquées n'osèrent bouger. Tout était fait pour que j'aille le retrouver. Je ne savais pas ce que j'allais lui dire, ni ce que je devais faire, mais une seule chose était claire dans mon esprit : il devait s'être arrêté. Ce dernier point n'était même pas à remettre en question.  J'étais persuadée qu'il m'avait attendu. J'étais sûre de le retrouver un peu plus loin, sur la colline qui dominait mon village et sur laquelle poussait un cerisier sacré. Il était assis, et son chapeau était posé à côté de lui. J'allais connaître son visage. J'étais un peu tendue, je me suis approchée discrètement de lui, et lui adressait toujours le même salut que nous avions "Monsieur...?"

J'ai tourné la tête.
Il était là.
Elle était là.
Je me suis assise.
Nous avons discuté.
De tout et de rien.
Je lui ai dit qui j'étais.
Le fils du Shogun.
Elle ne m'a pas crue, au début.
Et quand il m'a montré la preuve...
Je devais rentrer chez moi.
Je n'allais plus le voir.
Alors je lui ai proposé.
J'ai accepté.
Une joie immense m'envahit.
J'étais peut-être aussi heureuse que lui.

Ils marchaient. Ils ne faisaient que ça. On racontait qu'ils avaient tout laissé tomber pour pouvoir marcher ensemble. C'était une belle histoire d'amour qu'on se racontait dans mon lycée. Il paraît que même après leur mort, ne voulant pas se séparer, leurs fantômes continuent de se promener ensemble sur les routes de campagne. Ils évitent la ville qui leur portent malheur. Et leur amour est -semble t-il- tout aussi puissant qu'au premier instant. Entre eux existerait un lien inconditionnel qui ne peut être brisé. Le plus bel et le plus pur de tous les amours. Même la méchante de l'histoire ne pourrait les séparer. Aujourd'hui, tous les couples se demandent s'ils finiront jamais comme eux. C'est un vrai exemple que tout le monde devrait suivre. On est convaincu de la confiance que ce couple avait l'un envers l'autre et combien rien ne pouvait les détruire. Ainsi liés, dans le bonheur parfait, ils faisaient envie à tout le monde.

La vérité veut qu'ils se firent exiler du village de la jeune fille, et puis du Japon par le Shogun en apprenant que son fils ne voulait pas prendre la suite. Arrivés en Chine, ne parlant pas la langue, jugés comme ennemis, ils se firent assassiner dans un sous-bois par une patrouille de l'armée chinoise. La jeune fille se fit violer et on dépouilla l'homme de tous ses organes pour les brûler et laisser la dépouille sans vie à même le sort. On laissa la jeune fille mourir de faim à côté de son bien-aimé.

Moralité : Faut-il croire toutes les histoires ? Faut-il penser que tout est vrai ? Si beaucoup peuvent nous le faire penser, la base d'une vie autonome, c'est la pensée personnelle.




01/04/2009
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